(On entend des cris terribles dans le couloir. Un malade s’élance dans la salle ; les infirmiers l’arrêtent et l’emmènent de force.)
Luba. — J’ai peur, Boris ! J’ai peur ! C’est affreux ! Tu ne peux vivre ici !
Boris. — Je n’ai pas peur. Rien ne me fait peur aujourd’hui. Plutôt, je n’ai qu’une inquiétude : puis-je compter sur toi ?
Nicolas. — Réponds-lui !
Luba. — Que puis-je dire ? Comment voulez-vous, tous les deux, que je me réjouisse…
Nicolas. — Il n’est pas question de te réjouir. Moi non plus, je ne me réjouis pas. Je souffre avec lui. Quelle joie j’aurais à prendre sa place ! Ça me fait mal de le voir ainsi ; mais je sens que c’est bien.
Boris. — Merci !
Luba. — Mais quand le mettra-t-on en liberté ?
Boris. — Comment le prévoir ? Mais ne pensons pas à l’avenir Le présent me paraît si bon ! Tu peux le rendre meilleur encore, ma chère Luba…
Luba. — Et moi ?
Nicolas. — Comment ?
Luba. — Vous ne songez pas à moi. Vous êtes fidèles à l’idée, à la cause, à la religion. Je n’existe plus.
Boris. — Luba !
Nicolas. — Tu peux, tu dois t’associer à son effort.
Luba. — Être une sainte femme qui pleure au pied de la croix !
Boris. — Luba, je ne te reconnais plus !
Luba. — Tu t’étais fait de moi une image trop flatteuse. Il se peut que je n’aie pas l’âme d’une martyre. Je suis jeune. J’éprouve peut-être le désir de vivre.
Boris. — Tu me fais du mal.
Luba. — Et toi ! Crois-tu que tu ne me fasses pas souffrir ? N’es-tu pas impitoyable pour ta fiancée et pour ta mère ?