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Boris. — Qui donc aura commis le péché, quand vous trompez tant de gens ?

Le père Guérassime. — Nous n’avons pas à juger cela, jeune homme : ce qu’il nous faut c’est obéir à nos supérieurs.

Boris. — Laissez-moi, je vous plains, et je ne vous entends qu’avec dégoût. Vous parlez comme le général, tout à l’heure ! Mais vous, vous portez la croix, vous tenez à la main l’Évangile, et au nom du Christ vous venez me sermonner pour que je renonce au Christ. Allez ! Allez ! (Agité.) Allez, laissez-moi, allez. Emmenez-moi, afin que je ne voie personne. Je suis fatigué, je suis affreusement fatigué.

Le père Guérassime. — Alors, adieu.

(Entre le colonel. Boris s’assied au fond.)

Le Colonel. — Eh bien ?

Le père Guérassime. — Grande obstination, insoumission.

Le Colonel. — Alors il ne veut pas prêter serment et accomplir son service ?

Le père Guérassime. — Pour rien au monde.

Le Colonel. — Il n’y a plus qu’à le conduire à l’hôpital militaire.

Le père Guérassime. — Ah ! oui, on le fera passer pour fou. C’est le plus sage. Car l’exemple est quelquefois contagieux.

Le Colonel. — On le mettra dans la salle des maladies mentales, afin de l’observer. On en a donné l’ordre.

Le père Guérassime. — Très bien ! je vous salue.

Le Colonel, s’approchant de Boris. — Levez-vous, je vous prie, j’ai l’ordre de vous faire conduire…

Boris. — Où cela ?

Le Colonel. — À l’hôpital militaire pour un certain temps ; vous serez plus tranquille, et vous aurez le temps de réfléchir.