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troubler. Une émotion pourrait l’obliger à faire un faux mouvement qui lui casserait les reins. Laisse-le souffrir en espérant.

Luba. — Hélas ! Pourquoi souffrir ?

Nicolas. — C’est comme si la femme qui va être mère demandait : « Pourquoi souffrir ? » Rien ne peut naître sans douleur. La compagne sainte ne devrait pas pleurer au pied de la croix. Elle devrait chanter pour exalter le courage du crucifié. Si tu n’entrevois pas le but que poursuit ton ami, si tu ne crois pas dans la divinité qu’il contemple déjà, du moins, crois-en lui-même, et tu finiras peut-être par croire à son désir.

Luba. — J’ai peur ! J’ai peur !

Nicolas. — Mais nous n’en sommes point là, ma petite Luba ; Boris sera très sage.

(Le pope frappe à l’extérieur.)

Nicolas. — Entrez.

Luba. — Ah ! c’est vous, mon père ?

Le Pope. — Je ne mérite plus ce nom pour ainsi dire…

Nicolas. — Comment ?

Le Pope. — On m’a dit que je pourrais causer un instant avec vous… je tenais à vous expliquer…

Nicolas. — Veux-tu nous laisser, Luba ?

Le Pope. — Non ! non ! Je peux m’expliquer devant tout le monde. Je veux… Je m’en vais… Je me rends chez l’archevêque pour lui présenter ma démission…

Nicolas. — Vous en avez donc fini ?

Le Pope. — Je n’en puis plus !

Luba. — Dites-moi… Répondez-moi franchement… Est-ce la parole de mon père qui vous a conduit ?…

Le Pope. — Non ! non ! Ce n’est pas lui qui m’a poussé : c’est le Christ. Notre religion, voyez-vous, est trop loin du Christ. Alors, quand on a compris cela, on ne peut continuer, confesser, donner la communion… C’est impossible.