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bien, il hausse les épaules en pensant que ce sera bientôt fini…

Luba. — Non ! Il me parle de sa conscience. Il est satisfait d’agir suivant sa conscience…

Nicolas. — Au régiment… Ça te paraît dangereux, hein ?

Luba. — J’ai peur.

Nicolas. — Tu veux me montrer sa lettre ?

Luba. — La voici.

(Il lit la lettre.)

Luba. — Qu’en penses-tu ?

Nicolas. — Ces idées-là, tu sais, je n’ai jamais cherché à les lui donner…

Luba. — Mais je ne t’accuse pas…

Nicolas. — Et puis… Ce sont des mots… Ce genre de vie lui paraît cruel, sauvage… Oui ! Oui !… Quoi encore ? Il trouve humiliant de se soumettre au premier venu sous prétexte qu’il a un galon… Naturellement… Tout le monde a la même opinion…

Luba. — J’ai peur…

Nicolas. — Mais si tous ceux qui ont eu de telles idées étaient devenus des insoumis, il n’y aurait plus d’armée en Russie, il n’y en aurait plus sur la terre depuis de longues années. Comme les autres, Boris obéira, tout en comprenant que son devoir serait de ne pas obéir.

Luba. — Tu sais bien que Boris n’est pas comme les autres.

Nicolas. — Je n’ai pas remarqué…

Luba. — Si ! Si ! Pendant les semaines qu’il a passées ici, tu t’adressais à lui, plutôt qu’à Stépa…

Luba. — Stépa ! Naturellement ! Il ne comprend rien !

Luba. — Tu le sentais plus près de ton esprit que Stépa qui cependant est ton fils ; c’est pourquoi sans doute j’ai aimé Boris : il me semble qu’il est de ta race.

Nicolas. — Ma petite Luba !

Luba. — C’est pourquoi j’ai peur.