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Nicolas. — Mais non, je vous demande comment je dois agir selon la loi chrétienne. J’ai péché en dépouillant le peuple et en m’emparant de la terre. Que dois-je faire ? Dois-je continuer à posséder la terre, en profitant du travail des affamés, en les vouant à la servitude. (Il désigne le domestique qui sert la collation et le vin.) Ou bien faut-il la rendre aux descendants de ceux auxquels nos ancêtres l’ont enlevée ?…

Le père Guérassime. — Vous devez agir comme un fils de l’Église. Vous avez une famille, des enfants ; vous devez les entretenir et les élever selon leur rang.

Nicolas. — Pourquoi ?

Le père Guérassime. — Parce que Dieu vous a placé dans cette condition. Vous voulez faire du bien, naturellement… Donnez une part de votre richesse, visitez les pauvres…

Nicolas. — Cependant le riche ne peut entrer dans le royaume des cieux, n’est-ce pas ?

Le père Guérassime. — Il faudrait bien comprendre.

Nicolas. — C’est ce que je demande. Expliquez.

Le père Guérassime. — Vous ne pouvez être éclairé tant que l’esprit d’orgueil sera en vous.

Nicolas. — En quoi suis-je orgueilleux ? Je considère que je suis un homme comme les autres, que je dois vivre de mon travail, dans la même misère que mes frères. Les orgueilleux ne sont-ils pas plutôt ceux qui se considèrent comme des êtres à part, des prêtres par exemple qui croient connaître toute la vérité, qui ne peuvent se tromper et qui commentent à leur façon les paroles du Christ !…

Le père Guérassime, offensé. — Pardonnez-moi, je ne suis pas venu discuter avec vous, je ne suis pas venu non plus pour recevoir de vous une leçon. Vous connaissez tout mieux que moi ; il vaut bien mieux terminer notre entretien. Je vous dis une dernière fois, pour l’amour de Dieu revenez à vous, vous vous trompez cruellement, et vous vous perdez.