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Maria. — Ne lui refuse pas l’argent qui lui est nécessaire ?

Nicolas. — Je ne puis donner le labeur des paysans qui travaillent de toutes leurs forces pour entretenir les débauches des hussards de la garde. Tant que c’est moi qui dirige mon bien j’en userai comme le commande ma conscience. Prenez la fortune, prenez, et je n’en serai plus responsable.

Maria. — Tu sais bien que je ne le veux pas, et que je ne le puis pas.

Nicolas. — Maria, ma chérie. Essaye de me comprendre, de te comprendre aussi, de comprendre la vie, car il ne faut pas vivre ainsi sans savoir pourquoi.

Maria. — Nous avons vécu ainsi, nous avons vécu très bien. (Mouvement de contrariété de Nicolas.) Eh bien j’écoute.

Nicolas. — Oui, j’ai vécu ainsi, mais un moment est venu, où j’ai compris. Songe donc, nous vivons en faisant travailler les autres pour nous. Nous mettons au monde des enfants, et nous les élevons pour qu’ils agissent comme nous. Donc ; j’ai vécu pour multiplier des parasites tels que moi-même. Ah ! cette vie n’est pas gaie.

Maria. — Mais tout le monde vit ainsi.

Nicolas. — Et tout le monde est malheureux.

Maria. — Mais pas du tout.

Nicolas. — Moi, j’ai senti tout à coup que j’étais affreusement malheureux. J’ai vu que je faisais ton malheur et le malheur de tes enfants et je me suis demandé pourquoi donc Dieu nous a-t-il créés.

(Maria a sonné un domestique qui entre.)

Maria. — Refaites du thé et vous apporterez du lait et quelques gâteaux.

(Le domestique sort.)

Maria. — Tu disais ?

(Nicolas ne répond pas.)

Maria. — Ah ! oui. Mais nous savons tout cela.

Nicolas. — Eh bien, si nous le savons, nous ne