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Aujourd’hui, la femme du colonel V…, qui est chanteuse, est venue nous voir. Elle s’est mise à nous reprocher notre attitude à l’égard du père :

— Nous sommes toutes indignées, en voyant comme il souffre. Pourquoi ne consentez-vous pas à lui appartenir ? Est-il possible que l’on puisse se refuser à un saint tel que lui ? »

— Mais un saint a-t-il besoin d’un amour coupable ?

— Qu’est-ce que cette sainteté si les femmes lui sont nécessaires ?

— Il sanctifie tout ce qu’il fait ; avec lui, tout devient saint, répliqua spontanément la femme du colonel.

— Mais vous, est-ce que vous consentiriez ?

— Évidemment, je lui ai appartenu, et je considère cela comme la plus grande des bénédictions.

— Pourtant, vous êtes mariée, et alors votre mari…

— Il sait tout, et il estime que c’est un grand bonheur. Si le père désire une personne, nous considérons que c’est la plus grande des bénédictions, nous et nos maris, du moins celles qui en ont. Actuellement, nous voyons toutes comme il est tourmenté à cause de vous. J’ai décidé de tout vous dire et, au nom de toutes les admiratrices du père, de vous prier de ne plus tourmenter le saint homme, et de ne pas détourner de vous la bénédiction.

Lola et moi étions outrées de ce langage, et bien que nous soyons déjà habituées à beaucoup de choses dans sa maison, ce cynisme sous un masque de sainteté provoqua notre indignation. Nous répondîmes à Mme V… en termes plutôt cassants. Elle sortit blessée, et toute perplexe.

Ce même soir, il revint nous voir. On voyait que sa passion avait atteint son paroxysme. Sans