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on aime aussi — on étonne et on ravit — avec la volupté de l’intelligence.

Exalté de souvenirs et d’inquiétude, il voulut revoir les étoiles ! D’un bond, il se leva, ouvrit la croisée.

Comme si le bonheur d’aimer se confond pour la jeunesse avec le besoin de respirer, Marc ne jouissait jamais de son amour que quand il baignait dans le plein air : il s’accouda au balcon rustique, regarda, par-dessus la Montagne, la chaîne éblouissante de la Voie Lactée… et bientôt sa résolution fut prise !

Alors, content de soi, il songea, et, dans l’enthousiasme même avec lequel il ripostait toujours aux dangers par une fougue d’espoir, il pénétra qu’aimer n’est pas chose facile, aimer est un art — redoutable et merveilleux ! « C’est pour cela que les femmes, qui voudraient comprendre pourquoi elles sont belles, se tournent vers les artistes !… Je saurai profiter de la cinglante leçon : celle qu’on a découverte par son instinct, il faut la retenir par son intelligence. À l’avenir prends garde : l’amour n’est pas que feu qui brûle mais flamme qui veille, et dans l’ardente inquiétude même il faut trouver une conquête sans fin. Si je veux que Solange m’aime toujours, je dois me cultiver jusque dans le plus médiocre métier ! » Le bonheur, même moyen, tient dans l’élévation.

Dès neuf heures il fut au doux logis de Fresnois.

Inconsciemment il aimait surprendre les gens, les brusquer et les dominer par ses résolutions abruptes. Il comptait aborder le premier Justin bêchant au jardin ou brossant quelque immense toile. Mais c’est Solange qu’il rencontra, les nattes dénouées, gênée, cependant toute prompte à