Page:Les œuvres libres - volume 24, 1923.djvu/26

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le Parc…

Ici, rien n’est si beau, de moitié. N’essayez pas d’imaginer le Parc, vous tous, hommes d’ici. N’essayez pas d’imaginer le Parc de là-bas.

Quand j’y suis entré, moi, pour la première fois ; et chaque fois que, depuis, j’y suis revenu, j’ai courbé la tête et j’ai baissé la voix, anéanti d’admiration et d’amour.

C’est une forêt. Mais la forêt de Titania et d’Obéron n’était auprès qu’une lande lépreuse. C’est un jardin. Mais le jardin de Cendrillon, au temps que la Fée y changeait citrouilles en carosses, n’était auprès qu’un potager bourgeois.

Des allées ténébreuses s’enfoncent solitaires parmi les futaies hautes de cent toises. À perte de vue ce ne sont que troncs droits et sveltes comme tailles de vierges. La voûte des feuillages s’y repose comme sur une colonnade sans nombre. Au-dessous foisonnent les fougères, dentelle d’émeraude. Et, plus bas, les mousses, tapis d’aigues-marines. Une brise tiède flotte parmi les arbres, verte elle-même, et lumineuse. Et des oiseaux chantent, qu’on ne voit pas.

Or, j’étais assis sur un banc du Parc. Je précise : sur le premier banc qu’on trouve, à main gauche, dans la première allée qui s’ouvre, à main gauche aussi, quand on marche vers l’ouest du monde, à partir de la plus grande porte d’entrée, — de celle devant laquelle s’arrête le tram électrique qui vient de la Ville Moderne. J’étais assis là. Et je levai les yeux…

C’est alors que j’ai vu les Ponts.

Ils sont métalliques et tubulaires, tous. Rectilignes : l’arc et la courbe en sont proscrits, rigoureusement. Aériens, naturellement : on ne fait que les apercevoir en plein ciel, beaucoup