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ils avaient bavardé tout à l’heure. Et, tous, confusément se découvraient confus d’avoir jeté au vent tant de paroles véridiques dont ils se souvenaient, pour tout dire, assez mal déjà, mais qu’ils sentaient bien avoir été des paroles inconvenantes, intolérables, insupportables…

Et tant les gênait, maintenant, cette sincérité, si momentanée pourtant, qui naguère avait en quelque sorte jailli hors d’eux-mêmes, qu’ils se tournèrent vite le dos les uns aux autres, et feignirent d’inspecter, chacun, son tiers d’horizon.

L’aube couleur de perle ayant d’abord remplacé la nuit couleur de saphir, l’aurore, couleur d’églantine l’avait remplacée à son tour. Et, comme à l’horizon de l’est, le soleil levant commençait de jeter, par dessus la limite circulaire, des rayons déjà ponceau, un bruit inattendu s’en vint frapper aux oreilles Trêves, Ashton et Nettlewood, tous dos à dos. D’un même sursaut, ils se firent face, les yeux ronds, la bouche ouverte, et le cœur déjà dilaté d’espoir.

On galopait sur la lande. Soudain, à l’orée de la caverne, surgirent les deux déserteurs de la veille, ceux-là, certes, dont on espérait le moins : ser Carlo Alghero et don Juan Bazan.

— Mylord ! — criaient-ils ensemble, du plus loin qu’on pouvait être entendu…

— Hein ? — lord Nettlewood répondait le premier, toute rancune envolée.

Et les deux déserteurs bondissaient, criant de plus belle :

— Mylord ! mylord !…

— Qu’est-ce donc ? interrogea anxieux, Ashton, cependant que M. de Trêves n’avait point encore refermé sa bouche arrondie.

— Eh bien ! — prononça tant bien que mal, Alghero, moins essouflé que Bazan, — eh bien !… mylord… la Feuille de Rose est là…