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de siècles de siècles avaient, un à un, déferlé : l’île sur quoi nos cyclones, ensuite, nos cyclones d’aujourd’hui avaient déferlé à leur tour ; tous, dix mille fois dix mille, peut-être ; et, tout cela, sur ce même bout de terre à peu près éternel que jamais les hommes n’avaient habité ; sur ce bout de sol tout à fait désert, qui n’avait jamais rien su des hommes ; sur l’île, que jamais n’avaient souillé les mensonges des hommes ; à telle enseigne que la Vérité, un jour qu’on ne savait plus, ni qu’on ne saurait jamais, avait daigné forer, là, Son Puits…

… Pour que le mensonge, jamais, ne l’y troublât…

Deux femmes, certes, pouvaient se battre, pour un homme, sur cette île-là… et sans déchéance ni sacrilège. — Il n’est rien de plus vrai, ni rien de plus normal, que l’instinct, que le sexe, et que la loi du plus fort ou de la plus forte. — Germaine Francheville et Grace Ashton, luttant, en cette nuit qu’elles admettaient devoir être leur dernière nuit, et luttant pour l’amant qu’elles craignaient d’être leur dernier amant, n’offensaient pas la Vérité, même sortie de Son Puits, et trônant dans Son Île…

Ce pourquoi elles luttèrent, ou plutôt se battirent, se meurtrirent et se déchirèrent, tant que la force ne leur manqua pas absolument ; — tant que l’une, victorieuse, ne tint pas sous elle, l’autre vaincue.

Cela n’avait pas été sans péripéties.

Grace Ashton, la première, était tombée. Et Germaine Francheville n’en profita pas pour tout de suite, l’accabler et l’écraser : parce que c’était au début du duel ; Germaine Francheville, alors, n’avait pas perdu toute amitié pour sa rivale ; la voyant à bas, elle s’empressa de la relever.