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ministres, en tous leurs prêches… mais j’ai toujours trouvé que tout le monde, et surtout nos saints ministres, en parlent comme les aveugles des couleurs !… Ah ! vous souriez, mylord ! et c’est donc que vous trouvez comme je trouve… Mylord, mylord, les papistes qui ne raisonnent point, refusent de comprendre et croient quia absurdum, sont moins niais que nous. Et je me réjouis de voir que Votre Seigneurie n’en doute nullement. Ma foi, si vos fermiers de Galloway savaient cela, le Sinn Fein ferait peut-être grâce à vos récoltes… Au fait, pardon !…

Vexé (on avait parlé du Sinn Fein !), lord Nettlewood toussait, sèchement.

— Ce n’est rien, ce n’est rien ! — affirma Reggie Ahston, une pichenette au bout des doigts. — Secouez le Sinn Fein, mylord ! L’essentiel est ceci, que vous comme moi, moi comme vous, sommes bel et bien contraints de confesser, sur ce diantre d’au-delà, notre crasse ignorance… Bon, voilà qui est acquis. Mais, dès lors, je ne vois pas pourquoi nous irions nous casser le nez contre ce mur ? Qui vivra verra, qui mourra saura… Et secouez, mylord ! secouez toujours, secouez l’au-delà ! il faut tout secouer… Reste la mort, il est vrai… Et secouer la mort… hem !… Tout de même, mylord, veuillez y bien songer : mourir est sûrement la chose au monde la plus facile, puisque, depuis l’origine des origines, personne n’a manqué à réussir cette chose-là ! Par Saint Georges, par Saint André, par Saint Patrick même, Votre Seigneurie aurait donc vraiment trop grand tort de se préoccuper d’une si pauvre performance, à la portée des plus imbéciles comme des plus maladroits. J’irai plus loin, mylord : nos ancêtres sont morts, j’imagine ? Où le père a passé, passera bien l’enfant !

Lord Nettlewood, étonné, considérait l’honorable Reggie Ashton :