Page:Les œuvres libres - volume 1, 1921.djvu/61

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bizarrement nommé — de son vrai nom, qui sait ? — « Puits de la Vérité »…

Or, à cette heure, peut-être un invisible Fantôme sortait-il, mystérieusement, de ce mystérieux Puits… le Fantôme d’une Femme trop nue, et trop grande, et trop limpide, et trop au-dessus de toutes choses humaines pour que toutes humaines gens la puissent jamais apercevoir… ainsi donc, à cette heure, le Fantôme de l’inimaginable Vérité sortait-il de son Puits. Et, s’envolant hors nos espaces, hors notre terre, hors nos Trois Dimensions, il ne pouvait guère ne pas effleurer au passage, d’un coup d’aile, ser Carlo, prince Alghero, puisque ser Carlo s’adossait alors au rebord de lave faisant margelle. La nuit tombait, très noire. Et les derniers remous de la queue du cyclone enfui continuaient de battre les airs, et les mers, et les terres, tout alentour de l’île. Dans ce tumulte, nul doute que la Vérité se pût envoler si vite, et si haut, que personne n’eût le temps d’en rien apercevoir… Tout de même, au passage, les ailes battantes avaient sûrement frôlé d’abord Alghero, puis tous les autres, tous ceux qui étaient là, tous ceux que le hasard venait de jeter, bien contre leur gré, et bien mal à propos, sur cette île redoutable, l’Île de la Vérité, l’île au Grand Puits…

Lors, la Vérité, — malgré que s’étant enfuie, horrifiée probablement par tant de mensonges épars alentour, — tout de suite commença de sévir parmi ces gens malencontreux et menteurs.

Ser Carlo, prince Alghero, fut la première victime. Quittant dans l’instant la margelle de lave, il marcha vers l’orifice de la caverne. Mais la Vérité, l’ayant touché la seconde d’avant, l’imprégnait terriblement. Bon gré mal gré, le pauvre prince se retourna donc et fit face à lord Nettle-