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l’heure qu’il est, que vos hôtes d’hier conservent pour vous le moindre respect, ni la plus petite déférence. Houst ! excusez-moi : sept heures doivent avoir sonné, et j’ai faim…

Don Juan Bazan qui avait écouté, s’avança :

— Tiens ! — fit Alghero, content comme d’un renfort ; — tiens ! vous tombez à pic, don Juan !… car je suppose, que vous avez faim, comme moi ?…

— Comme vous, oui ! — prononça don Juan, laconique.

— Dînons donc, cher ami, encore qu’il plaise à notre excellent ami, lord Nettlewood, de n’en rien faire. Tant mieux, d’ailleurs ! Le repas n’en sera que plus copieux.

Sur la table du déjeuner, que l’on n’avait point desservie, les plats entamés étaient restés, seulement recouverts de leurs cloches. Délibérément, ser Carlo Alghero y mit la main, et servit don Juan Bazan, et se servit soi…

Exaspéré tout à coup, lord Nettlewood fit deux pas en avant :

— Ser Carlo ! s’il vous plaît !… Je crois être le maître, ici…

Mais l’autre, gouailleur :

— Le maître, ici, vous ? Par exemple ! quelle erreur est la vôtre, mon pauvre lord !… Si vraiment à l’heure qu’il est, vous donnez dans de telles fariboles, vous irez plus loin que vous n’imaginez ! Le maître ! le maître de qui, voyons ? Pas de nous, hein ? Il est déjà bien gentil que vous nous ayez enfoncés, comme vous avez fait, dans une aventure abominable, et que vous soyez responsable de tout ce qui va nous arriver dorénavant… Tenez, milord, précisons… m’est avis, aussi bien, qu’une telle précision n’est pas superflue : Ce qui va dorénavant nous arriver ne saurait guère s’appeler d’un autre nom que celui-ci : « mort… », « mort par inanition… » Nous