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écoulée que tous les nuages du ciel étaient morts, disparus, inexistants. Derechef, la lune éblouissante régnait sur le ciel, derechef éblouissant. Cependant que le cyclone — c’en était un… c’en avait été un : les cyclones passent vite — fuyait, tourbillonnant, vers d’autres lieux, plus froids, moins purs, mieux propices : vers le Nord-Atlantique, où stagnent les brumes impénétrables et le brouillard froid qui pèse éternellement sur le mortel océan polaire, sur toutes les eaux et sur toutes les terres arctiques, sur Hudson, et Davis, et Baffin, sur Terre-Neuve, et Groënland, et Spitzberg, sur le Pôle…

La queue du cyclone demeurait encore, tournoyant d’est en ouest et de nord en sud, et ravageant toute l’île au Grand Pic et au Grand Puits. Elle se heurtait, s’accrochait et s’échevelait à tout ce que les rocs offraient de pointes, d’angles, de caps, de sommets, et les déchirait, les arrachait, et les effritait, et s’en faisait une terrifiante auréole de poussières, de lave et de miettes de granit. Épouvantés, au fond de la caverne qui, naguère, leur avait servi de salle à manger, les hôtes de lord Nettlewood comprenaient enfin qu’il n’était pas très surprenant que la Feuille de Rose fût, à l’heure actuelle, très, très loin de son ci-devant mouillage, si tant est que jamais elle s’en dût rapprocher, dans les temps à venir… comprenaient aussi que, les choses étant ce qu’elles étaient, nulle puissance humaine n’y pouvait désormais plus changer grand’ chose, et que, bon gré mal gré, Mmes d’Aiguillon, de Trêves, Ashton, Francheville, et lord Nettlewood, et don Juan Bazan, et le prince Alghero, et MM. de la Cadière, Ahston, de Trêves, en devenaient d’ores et déjà autant de robinsonnes et autant de robinsons…