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lant… comme vous dites si bien… mais seulement jusqu’à l’heure qu’il nous faudrait indiscutablement cesser de nous rouler, je veux dire jusqu’à l’heure où nous serions morts de faim !

— Mon cher ! — protesta, riant de tout son cœur, le mari de la comtesse de Trêves, dite, par lui, la Punaise…

L’autre, cependant, concluait :

— Il nous faudra donc, bon gré mal gré, grimper tant haut qu’il sera nécessaire, bref grimper jusqu’au point d’où nous pourrons convenablement observer la mer… Vous admettrez que la question est assez importante pour exiger une réponse sans aléa… Grimpons donc, et courage !…

Or, au sommet de l’arête que M. de Trêves s’était plaint de trouver trop raide, une pente plus douce, triangulaire, s’allongeait obliquement. Au delà l’énorme paroi du cratère surgissait à pic, tel un mur de marbre, à base arrondie. Un véritable chemin de ronde contournait cette paroi, périmètre extérieur de l’ancien volcan ; un chemin à peine indiqué. Au-dessus surplombait, hallucinante, la masse démesurée du Pic. Sur ce chemin s’engagèrent La Cadière et Trêves, l’un suivant l’autre. Et ils marchèrent ainsi, à peu près silencieux, jusqu’à ce que le chemin de ronde eût doublé le principal promontoire de l’île, au delà duquel une anse, largement creusée, découvrait toute cette mer jusqu’alors invisible, toute cette mer, où la Feuille de Rose eût, à la rigueur, pu se réfugier, pour fuir les rudesses de l’autre mer, de celle qui était au vent du Pic, au vent de l’île…

Or, là non plus que là-bas, il n’était pas de Feuille de Rose. Et, jusqu’à l’horizon, l’Atlantique, encore, n’était qu’une solitude absolue…