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ahuri : — pourquoi faire ? Si la Feuille de Rose est en vue, quelque part, il est au moins superflu de lui signaler notre présence ici : elle n’en ignore rien… Non, non ! Si vous avez la chance d apercevoir le yacht, vous viendrez nous le dire, sans plus, et tout ira bien… Nous n’aurons plus ici qu’à nous organiser pour attendre paisiblement son retour… Si, par contre, la Feuille de Rose n’est en vue nulle part…

— Eh bien ? — demanda La Cadière.

— Eh bien ! — répondit après hésitation Sa Seigneurie, déconcertée, — si la Feuille de Rose n’est nulle part en vue… revenez tout de même… et nous examinerons à loisir l’extraordinaire situation qui deviendrait alors la nôtre… Car il m’apparaît bien qu’en cette occurrence, que je ne veux d’ailleurs pas même envisager quant à présent, nous serions, pour ainsi dire, abandonnés à nous-mêmes, et peut-être privés de tout secours humain…

— Mon Dieu ! — constata le prince Alghero, — il est indiscutable que si le yacht a disparu, autrement dit, s’il a péri…

— Juste Ciel ! — exclama la bonne Mme d’Aiguillon qui, la première, traduisit en précisions les préoccupations coufuses de l’ensemble de la compagnie. — Juste Ciel ! reste-t-il au moins de quoi dîner sur ce que les gens auront laissé du déjeuner ?

Le peintre don Juan Bazan mit les choses au point, non sans brutalité :

— Si tant est qu’il nous faille devenir naufragés, ce n’est pas tant du dîner de ce soir que du déjeuner de demain, et puis des repas qui suivront, qu’il conviendrait de s’inquiéter tout de suite…

— Avons-nous ce qu’il faut pour chasser ? — demanda le comte de Trêves, toujours romanesque : — fusils, cartouches ?