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le vent répliqua, d’une troisième rafale : Hou hou hou hou hou… Et. d’instinct, chacun se tut.

Alors, inquiet tout d’un coup, lord Nettlewood oublia la courtoisie et se leva de table avant que la bouteille eût circulé :

— Pourvu, — dit-il, — qu’au moins ces risées imprévues n’aillent pas gêner notre bon capitaine O’Kennedy dans sa manœuvre… Il serait ennuyeux qu’on ne pût pas rembarquer tout à l’heure aussi facilement qu’on a débarqué.

On avait déjeuné à l’abri d’une saillie du roc, dans l’ouest de l’un des contreforts du grand Pic. La vue de là ne s’étendait pas loin. Mais, cette saillie dépassée, une façon de plateau tranchait horizontalement la montagne. Et sitôt qu’on y était parvenu, on en pouvait apercevoir quelque deux cents degrés l’horizon, sans nul obstacle.

C’est là qu’inquiet du mauvais temps possible, inquiet de son yacht, inquiet des incidents peut-être survenus entre ledit yacht et ledit mauvais temps, lord Nettlewood, s’étant levé de table, se hâta d’aller tout d’abord. Et ce fut de là qu’avant même de souffler il examina l’horizon.

— Holà ! — s’exclama-t-il alors.

Derrière lui arrivaient, ayant couru comme lui, le prince Alghero, le peintre Bazan, le comte de Trêves, Henry de la Cadière et, le dernier, Mr. Ashton.

— Qu’est-ce à dire, mylord ? — demanda Henry de la Cadière, devançant la compagnie.

— C’est à dire, — répondit, la voix étranglée, lord Nettlewood, — c’est à dire que je serais infiniment reconnaissant à qui m’indiquera où est actuellement la Feuille de Rose

Un silence ahuri suivit.

— La Feuille de Rose ? — répéta, fort étonné, le comte de la Cadière, au bout d’un temps ; — la Feuille de Rose ?… Mais elle était, tout à l’heure, là…