Page:Les œuvres libres - volume 1, 1921.djvu/28

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et qui se piquait d’indépendance, répliqua tout de suite, assez ironiquement :

— Mylord, c’est plus haut que votre falaise de Galloway. Mais j’ose dire que ce n’est pas plus riche.

Tant soit peu vexée, Sa Seigneurie fit demi-tour, et n’insista pas.

Lord Nettlewood comptait parmi les plus opulents propriétaires d’Irlande ; parmi les plus durs aussi. Ses ancêtres y avaient gagné des biens immenses, aux temps rouges d’Elisabeth et de Cromwell. Par la suite, ils s’y étaient maintenus, à force de rigueurs et de sauvageries, à force d’hypocrisie aussi, jetant le nom de rebelles et le nom d’anarchistes à ces paysans irlandais, dépossédés de leur propre patrie, dépossédés de leurs biens par-dessus le marché, et dont on arrachait les humbles toits quand la grêle, l’usure ou l’oppression anglaises, ayant définitivement ruiné Paddy, Paddy ne pouvait plus payer impôts ni redevances. Seulement, des toits arrachés n’engendrent pas la prospérité sur une terre. Et rien n’était plus misérablement pauvre, sur toute la planète ronde, que les domaines irlandais de lord Nettlewood.

Un peu plus tard, dans la vedette qui avait enfin poussé du yacht, le prince Alghero qui regardait le sillage, releva tout à coup la tête pour demander à lord Nettlewood :

— Au fait, mon noble ami, avez-vous capté le sans-fil de Reuter, ce matin ? Quelles nouvelles ?

— Rien d’Italie, — répondit le lord, — mais les plus déplorables renseignements sur les récents troubles d’Irlande. Quand ces malheureux du Sinn Fein comprendront-ils que l’Angleterre est leur vraie et seule mère de cœur et d’origine,