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avec leurs époux de toutes relations charnelles. On les nommait « veuves », bien que ces époux fussent encore vivants, et les matrones qui n’avaient pas eu le courage de renoncer aux légitimes plaisirs d’une union terrestre venaient respectueusement leur baiser la main. Pour entretenir l’enthousiasme de son troupeau, Onésime multipliait les exercices religieux. Beaucoup de catéchumènes, qui avaient jusque-là suspendu leur résolution, sollicitaient la grâce du baptême. Avant d’y procéder, l’évêque, assisté de trois diacres, les exorcisait, puisqu’ils passaient pour demeurer encore sous l’influence du démon : « …Donc, ô diable pervers, répétait à son tour chacun des diacres, accepte ta sentence, rends hommage au Dieu vivant et vrai, rends hommage à Jésus-Christ son fils, et à l’Église Sainte. Retire-toi de ces compagnons de Dieu, et ce signe de la Divine Croix, que nous leur imposons au front, ne tente jamais de le violer ! »

Visibles ou invisibles, bourreaux terrestres ou esprits d’en bas, on sentait les puissances du mal assiéger les prisonniers ; on luttait contre elles, on était sûr de les vaincre. Les jeûnes, les méditations solitaires, les prières en commun, les chants graves et sombres, ou d’une joie surhumaine, nourrissaient la fierté, le courage, la foi, les grandissaient jusqu’à l’extase ; et les plus ardents, certains de la grâce, plus encore de leur indomptable énergie, criaient aux gardiens :

— Qu’est-ce donc qu’ils attendent, vos chefs ! Pourquoi n’est-ce pas encore pour aujourd’hui ?

Onésime devait retenir leur zèle. Mais Ordula l’écoutait sans l’approuver : sa religion n’était que l’appétit de la mort, de la mort partagée avec d’autres convives comme un repas suprême et somptueux.

Par les païens qui venaient chaque jour leur jeter des injures, les contempler du haut du