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— Nous serons libres ensemble !

— Théoctène est mort !… répondit Myrrhine, sans paraître l’entendre.

Philomoros et Céphisodore savaient déjà qu’Ordula s’était avouée coupable d’avoir tendu un piège à Myrrhine. Pleins d’espoir, ils avaient sur-le-champ rédigé une requête à Pérégrinus, pour obtenir la mise en liberté immédiate d’une innocente. Mais la reconnaissance de cette erreur aurait compromis l’honneur de la femme du principal notaire Velléius. Celui-ci fit valoir auprès du gouverneur qu’une imputation si noire portée contre sa propre épouse, et rejaillissant sur lui-même, était de nature à compromettre son autorité de magistrat ; que d’ailleurs le prétendu aveu d’Ordula n’était de toute évidence qu’une diffamation gratuite, irrecevable de la part d’une femme perdue, auparavant adonnée à des pratiques de sorcellerie, et qui, se disant chrétienne, ne pouvait être crue dans son témoignage en faveur d’une autre chrétienne.

Pérégrinus arrêta qu’il ne pouvait être tenu compte de ces soi-disant révélations. D’ailleurs, après un long silence, une hésitation de plusieurs mois, Galère venait de décider de nouvelles rigueurs contre les chrétiens. Il avait lancé des ordres précis, irrévocables : il lui fallait en finir avec la secte par la raison même que son ennemi Constance et son fils Constantin semblaient plus disposés à s’appuyer sur elle. Priver les Césars des Gaules de ce concours en décapitant l’Église de ces principaux meneurs, en exterminant ou épouvantant le reste, lui apparaissait un acte nécessaire de politique. Avertis, la plupart des chrétiens qui demeuraient encore à Corinthe prirent la fuite. Les autres allèrent rejoindre à l’ergastule ceux qui, depuis si longtemps, et non sans avoir jusque-là gardé quelque espoir, y attendaient leur sort.