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faire parvenir quelque message. Elle réclamait ce message à Philomoros et Céphisodore, toutes les fois qu’ils la venaient voir, et leur silence alors, leur visible embarras, l’épouvantaient.

Un jour les gardes poussèrent devant eux, dans le Téménos, une femme échevelée jetant de tous côtés des yeux sauvages et presque insolents. C’était Ordula qui, renversant sur le port, avec des injures, une image de Poséidon-Eurymédon, venait de, se déclarer chrétienne. Cherchant Myrrhine, elle embrassa ses genoux.

— Tu es venue pour Rhétikos ?

Cela paraissait si naturel à Myrrhine, qu’Ordula eût souhaité, à tout prix, rejoindre l’homme qu’elle aimait, fut-ce un mendiant infirme et hideux.

— Rhétikos ? Que me fait ce lâche, qui n’est ici que pour se remplir la panse aux frais des chrétiens, comme jadis il se faisait nourrir par moi, m’abusant comme il les abuse ? Il y a de plus grandes douleurs, les vôtres. Je suis chrétienne parce que c’est vous les douloureux, les persécutés… Et parce que c’est moi qui t’ai trahie, Myrrhine, que c’est par moi que tu es ici : voilà ce qu’il faut que tu saches ! Alors, si tu meurs, je dois mourir !

C’est ainsi que Myrrhine apprit par quelles manœuvres Eutropia, l’ancienne maîtresse de Théoctène, l’avait su précipiter dans cette catastrophe. Ordula, dénonçant sa complicité, se roulait aux pieds de sa victime.

— Je veux mourir, répétait-elle. Mais ce ne me serait qu’une grande joie de mourir, et ne sau-