Page:Les œuvres libres - volume 1, 1921.djvu/181

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’amour, aimer. Elle est aimée. Rends-la donc à celui qui l’aime, et à moi, Philomoros, et à Céphisodore que voilà, qui nous honorons d’être ses répondants et ses amis. Du reste, elle ne demande pas mieux que de sacrifier ; et de plus, dès que ta parole, je ne dis pas généreuse, mais seulement équitable, l’aura rendue à la liberté, elle ira, j’en fais serment, et j’irai avec elle, immoler une colombe sur l’autel de la divine Aphrodite. Veux-tu encore qu’elle signe la formule d’abjuration ? Il n’en est pas besoin, puisque, je te le répète, elle n’est pas chrétienne : toutefois elle la signera.

— Oui ! cria Myrrhine.

Son visage s’illuminait. Elle n’avait rien compris, jusque-là, à son étrange aventure, elle se croyait perdue, sans savoir comment ; et voilà que Philomoros, d’une voix toute unie, paisible, lui révélait le moyen si simple, qui paraissait si sûr, de prouver son innocence.

— Si elle sacrifie… dit Pérégrinus.

— Seigneur, objecta Velléius Victor, cette fille est en effet une courtisane. Mais nous savons qu’il est des courtisanes chrétiennes. De plus, quand même elle sacrifierait !… Les fidèles des Olympiens qui ont servi de complices aux chrétiens, soit pour les aider à fuir, soit comme receleurs des objets destinés à leurs mystères, sont, aux termes de l’Édit, passibles des même peine que les chrétiens eux-mêmes. La courtisane Myrrhine est coupable de recel : le rapport des stationnaires est précis.

Le crime dont Myrrhine était accusée était, en effet, le plus grave : l’administration romaine se rendait compte, assez exactement, que les chrétiens pouvaient revenir plus tard sur une abjuration, déclarer qu’ils n’avaient sacrifié aux dieux que par contrainte. Fermer ou même détruire leurs lieux d’assemblée ne suffisait pas