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— Pourquoi t’emmène-t-on ? Qu’as-tu fait ? De quoi es-tu accusée ?

— Ils disent que je suis chrétienne…

— Toi !

Cela parut si absurde à Céphisodore, qu’il poussa un grand éclat de rire. Mais comme Théoctène se répandait en protestations et en injures :

— Garde le silence, lui conseilla Philomoros. Tu te ferais arrêter aussi : en serait-elle plus avancée ? Nous irons tous ensemble au tribunal, demain, porter notre témoignage. Cette enfant n’est pas plus chrétienne que moi, l’ennemi des chrétiens. Il s’agit d’une dénonciation stupide. Tu viendras avec nous, Céphisodore ?

— Certes, dit le poète.

— Et moi ! cria Cléophon.

Il était indigné. Rien ne lui paraissait plus monstrueux ni ridicule que cet événement.

— La seule chose que tu puisses faire maintenant, ajouta Philomoros, c’est d’envoyer un de tes esclaves porter à Myrrhine, dans l’ergastule, des vivres et des vêtements. Elle en aura besoin. Et demain, demain, je te promets…

— Théoctène ! appela Myrrhine ; Théoctène, ils me tueront !

Ce cri les déchira. Ils se ruèrent, repoussés par les bâtons des gardes. La foule amassée dans la nuit commençait de gronder contre la chrétienne. Après cette lutte inégale et courte, il n’y eut plus rien que la foule, du bruit et la nuit…

On voyait sur l’Agora, du côté qui regardait l’Acro-Corinthe et le temple d’Aphrodite, un petit édifice appelé l’Héroon. C’est là que siégeait le gouverneur Pérégrinus, juge unique, assisté