Page:Les œuvres libres - volume 1, 1921.djvu/151

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Céphisodore, tout en faisant honneur à l’esturgeon de l’Hébros, continuait de boire généreusement. Par instants les esclaves de la table, dont plusieurs avaient été loués, car Myrrhine ne possédait que fort peu de monde, aspergeaient les convives d’eau de rose et de menthe. La salle était presque trop fraîche, alors que, sous la liberté du ciel, les murailles des édifices restituaient à l’espace la chaleur dont, aux heures brûlantes du jour, le soleil les avait abreuvées. Céphisodore, sa chair sans doute réagissant contre les effets de la course qu’il venait d’accomplir, peut-être aussi sous l’influence du vin qu’il avait bu, éprouvait un frisson léger. Myrrhine, qui s’en aperçut, lui fit jeter sur les épaules un manteau de laine, cet « andromide » dont se couvrait Théoctène après les sueurs de l’étuve. Le poète loua la finesse de l’étoffe. Et, une image se représentant à sa mémoire :

— Le tissu de la stola que portait la fille d’Eudème m’a semblé pareil, tout à l’heure… Mais, par Bacchus ! Il n’était plus aussi blanc ! Comme la canaille l’avait salie !

— La fille d’Eudème, Eutychia ? fit Théoctène, surpris : tu ne veux pas dire…

— Je dis ce que je dis ; on l’avait jetée à bas de sa litière… et puis il est venu des stationnaires qui l’ont arrêtée comme chrétienne.

— Mais l’édit veut-il qu’on arrête tous les chrétiens avant qu’ils aient fait amende honorable ?

— Il paraît qu’il y avait autre chose : une espèce de vol, un détournement d’objets séquestrés au nom de Sa Divinité Impériale… Je n’ai pas bien compris ; et ce n’était pas le moment de s’informer.

— Voilà qui est curieux ! dit Philomoros, comme amusé.

On entendit la voix de Cléophon. Très douce,