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impénétrable et surprenant, tour à tour vierge, puis jointe éperduement au divin Osiris, vierge de nouveau pour pleurer cet amant massacré et mis en pièces, redevenant amante quand elle avait enfin réuni, pour les ressusciter, ces débris sanglants, Isis, qui avait compté parmi ses premiers fidèles les prostituées, se voyait maintenant adorée par bien des femmes irréprochables et beaucoup d’honnêtes gens ; elle incarnait la lumière totale, une charité universelle, enseignant aux humains les rites purificateurs qui les pouvaient faire participer à son éternelle béatitude. Myrrhine avait pieusement vêtu l’image de marbre d’une robe de lin, croisé sur sa poitrine un manteau de soie bleue aux franges d’or, suspendu à ses oreilles de longues larmes de perles, à son cou le collier d’or qui jetait sur la gorge une croix de gemmes précieuses entourée d’un cercle d’émaux.

Ordula, d’un trait de couteau, ayant égorgé le poulet, regarda attentivement le sang qui aspergeait les dalles, ouvrit la poitrine bombée qui frémissait encore, interrogea les poumons, la cervelle. Myrrhine palpitait.

— Que veux-tu savoir ? fit Ordula. Donne tes mains, à présent…

— D’abord tu comprends, si Théoctène m’aimera toujours ?

— Il t’aimera jusqu’à ta mort !

— Comme ton sourire est bizarre : je ne veux pas mourir, je veux l’aimer… Mais il y a autre chose que je désire savoir… Écoute ! Tu te rappelles ma poupée, celle que j’avais déjà dans l’autre maison ? Je disais toujours à Eurynome : « Comme j’en voudrais une vivante ! J’aimerais tant jouer avec un vrai petit enfant ! Ils agitent leurs membres bien ronds, quand on les lave, tout nus, et puis qu’on les habille ; ils regardent, quand on chante, au delà de vous, du côté du