Page:Les œuvres libres - volume 1, 1921.djvu/147

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et la chambre, sauf pour ces choses, était presque nue.

— …Le coffre est là, dans ce coin. Théoctène l’a couvert d’un tapis bithynien, mais c’est toujours le même…

— C’est là que tu mets tes bijoux ?

— Non, répondit Myrrhine, soudain méfiante. Il n’y a rien dedans, que de vieilles choses. Vois plutôt.

Elle ouvrit le coffre, fermé d’un nœud de corde.

— Théoctène y met des livres : ce sont tous ces rouleaux… Mes affaires, à moi, n’y tiendraient plus, ajouta-t-elle, orgueilleuse. C’est mon Africaine qui les garde, dans une pièce, en haut. Je te les montrerai…

Ordula, négligemment, reparla du dîner que Myrrhine allait offrir le soir.

— Il y aura un esturgeon de l’Hébros, farci, annonça Myrrhine, et j’ai commandé des foies d’oie blanche, au miel, chez le cupédiaire romain.

— Et les poulets ?…

— Tu m’y fais penser ! Attends, je vais aller moi-même t’en choisir un beau, bien vivant !

Ordula était seule. Elle glissa dans le coffre, parmi les autres rouleaux, ceux qu’elle avait apportés, puis se hâta pour rejoindre Myrrhine dans une cour intérieure cernée d’un double rang de colonnes. Des esclaves y dressaient les préparatifs du souper sur une table basse : Théoctène et ses convives prenaient leurs repas assis sur des coussins ; on ne voyait point de lits comme chez les Romains.

De l’autre côté de cette colonnade une statue d’Isis, la déesse que vénérait maintenant Myrrhine, montrait un visage tendre et pensif, qui mêlait, d’une manière qu’on ne connaissait point aux autres immortels, une douceur attentive et terrestre à de la volupté. Par un miracle