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sommes : il s’agit d’une faction puissante, active, partout répandue. On peut bien en supprimer quelques membres, obtenir en apparence la soumission de certains, même, je le veux bien, de beaucoup d’autres. Mais après…

— Je ne saisis pas bien la pensée de ta Grandeur, osa dire Vélléius. Les chrétiens sont devenus, en Asie, plus nombreux que les fidèles des Olympiens. En Égypte, en Afrique, il en est de même, et dans une partie de l’Italie. L’Hellénie a mieux résisté. Pourtant, même à Corinthe, ils sont bien forts !

— Mais c’est pour cela, Vélléius, interrompit le gouverneur, c’est pour tout cela !… Dioclétien est vieux ; il peut mourir ; on dit qu’il veut abdiquer. Galère est animé contre les chrétiens ; il est résolu contre eux à pousser la lutte jusqu’au bout, et c’est lui qui se trouve le plus près de nous, il est notre maître direct ; je reconnais que cela est à considérer, j’en tiens compte. C’est un rude soldat… Pourtant il a plus d’impétuosité que de compréhension. Et, à l’autre bout de l’Empire, dans les Gaules, il y a la famille de Constance, il y a le fils de Constance, Constantin, qui préfère temporiser… Il attend ! L’Empire ne peut rester divisé entre des tétrarques dont deux sont augustes, deux autres seulement césars : les césars chercheront toujours à obtenir le titre d’augustes, et l’un de ces augustes voudra devenir le seul Empereur. C’est inévitable. Eh bien, quelle force pourrait trouver un homme avisé, tel que Constantin, dans la faction chrétienne, pour concentrer tout l’Empire entre ses mains ! Il doit y songer… Et alors, Vélléius, quelle sera ma situation, à moi Pérégrinus, ton avenir à toi, si les chrétiens sont un jour maîtres de l’Empire et se souviennent des rigueurs que nous aurions exercées à leur égard ?… Il faut