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affronter la torture, ni le bûcher. Quant à livrer les chrétiens aux bêtes, il n’en pouvait être question : dans la douce Hellénie, Rome n’était point parvenue à introduire même les combats de gladiateurs.

— Vous verrez ! fit Aristodème.

Il n’ajouta point qu’il venait de traiter avec Agapios une excellente affaire, pour le succès de laquelle les poursuites contre les chrétiens étaient nécessaires. Il était d’usage, de la part des autorités, lorsqu’elles interdisaient la pratique de certains cultes déclarés illégaux, de consacrer aux dieux, en masse, avant de les exposer en vente, toutes les denrées indispensables à la nourriture : de telle sorte que les chrétiens devaient se résigner à souffrir de la faim, ou bien consentir à consommer des aliments pour eux abominables. L’aubergiste venait de conclure avec le courtier un marché pour la livraison d’une grosse quantité de vin et de blé qui, se trouvant chez lui soustraite à la consécration, pourrait suffire quelque temps à la nourriture de ses coreligionnaires. Ce marché leur devait laisser à tous deux un large bénéfice. C’est ainsi que les périodes de troubles extraordinaires peuvent être propices, pour ceux qui les savent prévoir ou en sont avertis, à des combinaisons avantageuses.

— …Mais alors, Théoctène, fit tout à coup Myrrhine quelques instants après que le juif eut pris congé… alors, quatre de tes esclaves sont chrétiens ! Les as-tu vus tout à l’heure, devant celui qu’Aristodème nomme Synésios ?

— Par Hercule ! tu as raison ! Tu t’en doutais, Myrrhine ?