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Syrien de nom grec s’était établi dans le faubourg, non loin de la porte de Cenchrées. Sa maison était connue des jeunes gens de la ville, qui assez souvent y menaient leurs amies. Il était expérimenté dans son art ; on trouvait chez lui non seulement les vins de Chios et de Lesbos, ceux d’Italie, que les Hellènes avaient appris à goûter, mais un hydromel sec et capiteux qui datait de la retraite des Hérules, ces barbares n’ayant rien laissé dans les caves qui put dater d’avant leur passage. Myrrhine repoussa cette proposition : ils avaient fait une partie de campagne, elle voulait souper à la campagne. Un des porteurs cappadociens — ils étaient seize, huit pour chaque litière, qui se relayaient tous les deux cents pas, quatre par quatre, en courant toujours — suggéra :

— Il y a la taverne du Chrétien !

Cette taverne était située sur le bord de la route, assez près de l’endroit où ils étaient parvenus, dans des vignes qui descendaient jusqu’à la petite rivière Leuka, au pied de l’aqueduc qui conduit à Corinthe les sources du mont Onéion. Le Cappadocien avait dit « le Chrétien », en parlant d’Agapios, son tenancier, comme il eut dit « le Phrygien » ou « le Paphlagonien » : pour définir un homme qu’il connaissait bien, qui vivait dans le pays, et pourtant se marquait d’un caractère particulier. La plupart des chrétiens, sauf ceux qui appartenaient aux plus hautes classes sociales, ne se cachaient plus. Ils s’assemblaient publiquement dans leurs basiliques ; certains même, pour imiter l’apôtre Paul, ou dans la sincère ardeur de leur prosélytisme, allaient prêcher sur le port, bien que l’évêque Onésime eut déconseillé depuis plusieurs années cet excès de zèle ; enfin la plupart des changeurs de la ville pouvaient nommer les diacres chargés de percevoir les taxes volontaires que percevaient les