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La Montée du Mont-Carmel.

CHAPITRE QUINZIÈME.
Déclaration des autres vers de ce Cantique.

Ô l’heureuse fortune !
Je suis sortie sans être aperçue,
Lorsque ma maison était tranquille.



L’ame se sert ici de la comparaison d’un esclave qui s’estime heureux de sortir de sa servitude, sans que personne l’empêche de prendre la fuite ; car, depuis le péché originel, elle est esclave des passions du corps ; c’est pourquoi elle croit que son sort est heureux, quand elle se délivre de leur tyrannie, et surtout quand elle s’en affranchit de telle manière, qu’aucune d’elles ne l’observe et ne lui fait obstacle. Il lui a été avantageux pour exécuter ce dessein de sortir pendant une obscure nuit, c’est-à-dire, de se priver de la délection des créatures, et de mortifier ses passions. Ce qu’elle a fait fort heureusement, lorsque sa maison était tranquille, c’est-à-dire, lorsque sa partie sensitive, qui est la maison et la demeure des passions, jouissait d’une grande tranquillité ; parce qu’elles étaient mortifiées et assoupies, et qu’elles ne la troublaient plus comme elles faisaient auparavant : car l’âme n’acquiert jamais sa liberté, et ne repose