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Livre I. Chapitre XIV.

de constance pour rejeter l’amour des autres objets. De sorte que ce n’était pas assez, pour repousser l’impression des passions sensuelles, d’aimer son époux ; il fallait encore quelle fût tout-à-fait possédée de cet amour, et qu’elle en ressentît même les inquiétudes. En effet, la violence des passions émeut souvent la partie inférieure de l’homme, et l’applique aux objets matériels ; de telle sorte que si la partie supérieure ne sent des ardeurs pour les choses spirituelles, plus grandes que ces mouvemens, elle ne peut vaincre le plaisir que les choses sensuelles lui causent, ni entrer dans la nuit du sens, ni demeurer dans l’obscurité, c’est-à-dire, dans la privation des délices de la passion.

Je n’en dirai pas davantage sur ce sujet ; aussi bien ce n’est pas le lieu de l’examiner, et même on ne peut exprimer les différentes inquiétudes de cet amour, auxquelles l’ame est exposée dans les commencemens de son union avec Dieu, ni les soins et les adresses qu’elle emploie pour sortir de sa maison, c’est-à-dire de sa volonté, et pour entrer dans la nuit, ou dans la mortification de ses passions. On ne saurait dire combien les peines de cette nuit deviennent faciles, combien les dangers que l’ame court lui deviennent doux, à cause des soins et des inquiétudes que l’amour de l’Epoux lui donne. Si bien qu’il vaut mieux considérer toutes ces choses et les goûter intérieurement, que d’entreprendre de les écrire.