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La Montée du Mont-Carmel.

CHAPITRE SIXIÈME.
Les passions apportent à l’ame deux dommages, l’un privatif, l’autre positif. On le prouve par plusieurs passages de l’écriture.

Afin de connaître plus distinctement ce que nous ayons dit jusqu’ici, il est nécessaire de déclarer de quelle manière les passions causent à l’ame deux sortes de dommages, dont l’un est privatif et l’autre est positif. Le premier consiste en ce que les passions privent l’ame de l’esprit de Dieu, et le second, en ce qu’étant fortes, elles fatiguent l’ame, elles la tourmentent, elles la remplissent de ténèbres et de taches, elles l’affaiblissent ; c’est ce que Jérémie exprime en ces termes : Mon peuple, dit-il, a fait deux maux : il m’a quitté, moi qui suis la fontaine d’eau vive, et il s’est fait des citernes qui sont percées de tous côtés, et qui ne sauraient garder l’eau.[1] Une seule opération de la passion produit ces deux mauvais effets dans l’ame ; car aussitôt que l’ame s’affectionne à quelques créatures, plus cette affection jette de profondes racines, moins l’ame est

  1. Duo enim mala fecit populus meus : me dereliquerunt fontem aquæ vivæ, et foderunt sibi cisternas, cisternas dissipatas, quæ continere non valent aquas. Jerem. 2. 13.