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La Montée du Mont-Carmel.

La raison est parce que, selon les philosophes, deux contraires ne peuvent subsister ensemble dans un même sujet : car quelle communication y a-t-il, dit saint Paul, entre les ténèbres et la lumière ?[1]

De là vient que l’ame ne peut être revêtue de l’union divine, avant qu’elle se soit dépouillée de l’amour des créatures. Mais pour prouver plus clairement ce que j’avance, il faut savoir que l’attachement de l’ame aux créatures la rend semblable aux créatures mêmes, et que plus cet attachement est grand, plus cette ressemblance est parfaite. C’est le propre de l’amour de réduire à cette uniformité celui qui aime et l’objet qui est aimé. David en était convaincu, lorsque, parlant des personnes qui aimaient les idoles, il disait : Que tous ceux qui les font et qui y mettent leur confiance, deviennent semblables à elles.[2]

C’est pourquoi celui qui s’attache de la sorte à la créature, est aussi vil qu’elle ; il est même en quelque façon plus abaissé, puisque l’amour le rend inférieur à l’objet aimé, ou plutôt il le fait l’esclave de ce qu’il aime, il s’ensuit de là que quand l’ame s’unit par amour à quelque autre chose qu’à Dieu, elle ne saurait ni parvenir à une parfaite union avec le Créateur, ni se transformer en lui. La petitesse de la créature

  1. Aut quæ societas luci ad tenebras ? 3. Cor. 6. 14.
  2. Similes illis fiant qui faciunt ca, et omnes qui confidunt in eis. Psal. 113. 8.