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La Montée du Mont-Carmel.

sons. La première se prend du terme d’où l’ame s’éloigne pour s’approcher de son Dieu ; elle doit priver ses passions de la satisfaction des choses qui sont en sa possession ; ce qu’elle ne peut faire qu’en y renonçant, et ce renoncement est une espèce de nuit à l’égard des passions et des sens de l’homme. La seconde vient du moyen ou du chemin par lequel l’ame tend à cette union : ce chemin est la foi, qui paraît obscure à notre esprit, comme la nuit paraît obscure à nos yeux. La troisième se tire du terme où l’ame prétend arriver, et qui n’est autre que Dieu ; et parce que Dieu est infiniment élevé au-dessus des créatures, on peut dire qu’il est une nuit obscure à l’ame pendant cette vie. Celui donc qui aspire à l’union de Dieu doit passer par ces trois nuits. Nous en avons une figure dans l’Écriture-Sainte. L’Ange qui conduisait le jeune Tobie, (Tob. 6. 19) lui commanda de garder la continence avec sa femme pendant trois jours et trois nuits, et de brûler le foie du poisson qu’il avait pris : ce qui nous apprend que le cœur qui est sujet aux passions et attaché aux créatures, doit être purifié de l’amour des choses créées, et brûlé du feu de l’amour divin, pour aller à Dieu. C’est dans la purgation qu’on chasse le malin esprit, qui exerce sa tyrannie sur les âmes, lesquelles n’ont pas encore rompu leur attachement aux créatures. La seconde nuit, l’Ange dit à Tobie qu’il serait reçu dans la compagnie des saints patriarches, qui sont les Pères de la Foi ;