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Elle s’arrêta devant le lit :

— Mais ce dodo, qu’il est étroit !... Nous allons ! y être quelque peu serrées l’une contre l’autre... Oh ! ce n’est pas que cela me déplaise !... tu as la peau si douce !... et puis, sache-le, j’y ai souvent pensé, chérie, qu’il ferait bon t’avoir contre moi... Mais qu’attends-tu donc pour te déshabiller ?... tu restes là, figée comme une momie ?...

Je m’étais, en effet, assis dans un fauteuil, et j’attendais qu’elle se couchât. J’assistais, émerveillé, au rite de son dévêtissement, à la chute des voiles qui, tour à tour, laissaient se révéler la splendeur de son corps. Ce furent les bras, leur fermeté pleine, leurs attaches délicates, leur toison dorée aux aisselles. Ce fut le dos, marbre somptueux, émergeant du corset comme d’une coque vers le pur contour de la nuque. Ce furent les jambes, harmonieuses dans leur gaine de soie noire, unies au pied menu par des chevilles de race. Puis, une fois le corset délacé, les hanches, derrière la fine chemise, estampèrent leur courbe puissante et grave.

À peine osais-je regarder ! Chacun de ses gestes, chacune de ses beautés, me ramenaient à six mois en arrière, aux extases de ma garçonnière. Le désir, le même désir, le désir maître des races, avec toutes ses énergies, ses transports, ses furies, m’envahissait comme jadis. Mes oreilles balançaient des cloches ; une saveur me venait à la bouche. Un long frisson me parcourut...

— Qu’attends-tu ? répéta-t-elle, étonnée...

— Non !... résistai-je. Non, Rolande. Tu vois que c’est impossible... Jamais nous ne tiendrons à deux. Nous nous empêcherions mutuellement de dormir... Non !!

— Et tu comptes rester là ?

— Oui, dans ce fauteuil...

— Toute la nuit ?

— Toute, oui.