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çames heureusement assez à temps, M. Variland arrivait, agitant de grands bras.

— Une tuile !... une tuile !... hurlait-il. Figurez-vous que cet .animal de chauffeur a cassé sa direction ! ... Nous ne pouvons plus rentrer !... Nous allons être obligés de dîner, de coucher ici !... Y a-t-il une auberge, seulement ?

Tous quatre, abandonnant l’auto, nous descendîmes jusqu’au village. Oui, il y avait une auberge. Elle portait même une appellation qui ne manquait pas, pour Robert et pour moi, d’un certain à-propos, d’était l’hôtel des Mutilés. L’amochage sérieux des patrons, deux frères, durant la guerre, légitimait cette firme. Il manquait à l’un une jambe, à l’autre un bras ; et ces deux membres, grossièrement peinturlurés sur l’enseigne, achalandaient évidemment la maison, puisqu’il n’y restait plus de libre, ce soir-là, qu’une seule chambre.

— Nous la donnerons à ces dames, déclara M. Variland. Quant à M. Lieuplane et à moi, nous nous étendrons n’importe où.

— Oui, oui... on s’arrangera toujours... accepta Robert

Et je constatai qu’il pensait à s’arranger avec la bonne. C’était une maritorne de deux mètres de haut. Il la couvrait déjà de regards incendiaires, qu’elle me méprisait point. Un si beau monsieur ! ... Hélas ! j’allais être exposé une fois de plus.

— Même pour un .peintre, ces expositions-là sont plutôt pénibles... me plaisantai-je amèrement.

Nous dînâmes sommairement, d'un œuf et d’un morceau de lard. Je ne touchai du reste pas aux aliments, tant était grande mon appréhension de devoir passer la nuit avec Rolande.. Je m’ordonnais avec force de lui laisser le lit et de me contenter d’un siège. Mes nerfs, exaspérés par une Ion-