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constater comment se comporteraient ses néo-sexués dans le grand œuvre de la création.

Mais je m’expliquais maintenant des particularités psychiques qui m’avaient toujours dérouté quand j’y avais réfléchi : ce mélange d’attirance et de répulsion que j’éprouvais pour Robert ; ce besoin de l’avoir à proximité, sous ma surveillance, alors que sa compagnie m’était odieuse ; et surtout mes inquiétudes lorsqu’il était absent et contrariait, par son éloignement, mon sens de la propriété. Parbleu ! il emportait une portion de moi-même !

Ainsi donc, moi, Georges Sigerier, peintre réputé, grand prix du Salon, en passe de parvenir à l’Institut, et devenu femme par la volonté de Tornada, j’avais été alimenté, en ces sources mystérieuses de la vie, par une fille de bar, amoureuse de Julot !

Ainsi donc, ce fragment de mon être, greffé chez la fille d’un marchand de vin de la Nièvre, avait été, par celle-ci, fourvoyé dans je ne sais quelles basses compagnies, livré à je ne sais quelles dégradantes liaisons, exposé à je ne sais quels dangers !...

Et je ne pouvais même pas en vouloir à la créature qui en avait été munie, malgré elle !

— Ce Jules, haletai-je... oui, ce Julot... votre Julot, vous l’avez revu ?

— Naturellement... je l’avais dans le sang, dans la peau !..,

— Comme moi, hélas !... réfléchis-je.

— Alors, j’ai couru après !... chaque fois que je disais que j’allais en voyage pour mon commerce, bien sur, c’était aussi pour faire une embardée dans la Nièvre, où il est toujours boucher...

— Et que s’est-il passé ?

— Voyons !... il ne pouvait rien se passer !... — Et amèrement : -— Il ne m’a même pas reconnue !

Toujours mon histoire, en fait ! ce qui prouve