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avec ce nobliau-mercanti, cela n’était pas possible ! ... Et pourtant une force me rivait à lui !...

Je sentis ma chaîne plus impérieuse encore, quand, m’étant rendu, quelques heures plus tard, dans sa chambre pour le remercier des bonbons qu’il m’avait apportés, je le trouvai avec Anna, ma soubrette, sur les genoux.

Après avoir renvoyé d’un geste outré ma rivale :

— Ah çà ! Robert, qu’est-ce que cela signifie ? Vous vous abaissez au torchon, maintenant ? Quand je suis votre voisine ? Quand nous devons nous marier dans un mois ?... Pensez-vous que je vais succéder à ces filles ?

Il sourit, haussa les épaules :

— Vous en faites pas... c’est sans importance... elle est propre, soignée, cette petite... que voulez-vous de plus pour un quart d’heure de plaisir ?... Quant à leur succéder, vous savez bien que vous n’y échapperez pas... Alors, pourquoi tant de chichis ? ... Prenons tous deux les choses comme elles viennent, puisqu’il n’y a pas moyen de faire autrement.

— C’est toute votre morale !... Pourquoi, pas moyen ?

— Parce qu’il le faut !... s’obstina-t-il.

— Et pourquoi le faut-il ?

— Parce qu’il le veut.

— Qui, il ?

— Le maître.

— Quel maître ?

— Tornada, parbleu... le professeur Tornada.

Il avait baissé craintivement la voix, en prononçant ce nom terrible. J’eus conscience qu’il avait fait les réponses que j’eusse faites aux mêmes questions, et que nous étions tous deux, et de la même façon, sous le joug de cet homme incroyable. Une déduction s’ensuivit, mais si rapide, si confuse encore, et cependant si redoutable, que