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En fait, sous mes nouvelles espèces, je me documentais plus largement sur la vie. On cache beaucoup aux hommes, et ils n’ont pas le temps d’observer. Ce que je découvrais m’attristait.

En bas, j’étais toujours la femme convoitée, qui régnait sur tous, et même, je dus bien m’en convaincre, sur ce doux M. Chabrol. Il me déclara croire à mon innocence et avoir pris mon parti, vivement, lorsque cette chipie de Blanche Ferette avait raconté, en l’amplifiant, ce qu’elle avait surpris du compositeur et de moi. Quant aux autres, MM. Variland et Rimeral, ils ne me ménageaient plus leurs démonstrations et combinaient leur avenir avec moi. Leurs attitudes les dénonçant l’un à l’autre, une rivalité naquit qui s’exprima en attaques sournoises, en dénigrements incessants. Une poule était survenue... Seule, la baronne avait confiance. Ces jeux d’autrui autour de moi ne l’inquiétaient pas. Elle en avait vu bien d’autres avec les femmes oui avaient été ses amies... Sereine en son obésité pantalonnée, elle attendait patiemment que je donnasse le signal du départ.

En sorte que lorsque Rolande, qui ne pouvait éterniser sa feinte, reparut parmi ses hôtes, elle tomba en pleine fermentation. Elle s’aperçut vite du trouble que j’avais jeté dans tous les cœurs. Nouvelle surprise ! son premier sentiment fut de froide colère.

— Comment ! c’est ta perfidie, tandis que je suis au lit !... Tu me voles mon mari !

— Mais tu ne l’aimes pas ! tu devais le fuir !

— Qu’importe ! je suis encore sa femme. Et tant que je serai sa femme, je n’admettrai pas qu’une autre me l’enlève. Mais ce n’est pas tout : tu me voles mon flirt aussi !

— Rimeral ? mais tu ne l’aimes pas : tu aimes Georges !

— N’importe : il était mon flirt, et j’ai besoin de tendresse, moi.