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malade, je passais en somme la plus grande part de mon temps à son chevet. Je m’étais arrangé avec le médecin de campagne, qu’elle avait trompé comme les autres, pour que sa porte fût interdite à M. Variland lui-même. Il ne montrait le bout du nez que le matin, pour s’enquérir de la nuit, le soir pour se renseigner sur la journée, et on ne le revoyait plus. Tant qu’il était là, Rolande s’enfouissait sous les draps, prenait un masque asphyxié, et proférait des phrases incohérentes. Dès qu’il avait tourné les talons et que sur ses pas la serrure était fermée à double tour, aussitôt la joie réapparaissait, elle jetait basses oreillers, et nous savourions notre malice. Je me fusse bien gardé de lui conter mes intrigues d’en bas : sa prudence naturelle les lui eût peut-être fait trouver excessives ; mais j’aggravais à plaisir les conséquences de son rhume, qui me valaient de prolonger cette comédie, et partant, notre isolement. De tous les symptômes fâcheux que j’avais récoltés de son caractère, je ne voulais plus me souvenir. Je la dédoublais, rejetant sa légèreté, ses inconséquences, son besoin morbide de plaire, pour ne me souvenir que de l’amante passionnée qu’elle avait été, et qu’elle était encore au fond de son cœur.

Pourtant, quels enseignements troublants !... Au fur et à mesure de notre abandon, elle n’avait plus de réserve, maintenant que j’avais tout-à-fait acquis sa confiance, qu’elle était sûre de ma fidélité aux secrets quelle me livrait. Chaque jour elle levait un peu plus de ce voile pudique que les femmes gardent souvent jusque dans leurs débordements. Elle avait d’abord procédé par des sous-entendus, par des silences qui étaient des explications. Maintenant elle ne modérait plus son langage. Elle ne se demandait pas si la vierge qu’elle entretenait de ces choses pouvait accepter de telles confidences : elle parlait, parlait, comme