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me resta d’abord dans la main ; puis à ce que, à une seconde tentative, ce fut par le pan de son veston masculin que je parvins à la ramener au bord. On la ranima, sans qu’on eût à lui tirer sur la langue ; elle vomit copieusement la tasse qu’elle venait de prendre ; puis je la reconduisis à sa chambre, pour changer contre un smoking son vêtement mouillé.

— Vous m’avez sauvée, ma jolie !.. me dit-elle, avant de redescendre ; et ma tendresse pour vous se double d’une réelle admiration. Outre le charme et la beauté, je retrouve en vous les vertus d’audace, de courage, de sacrifice, que nos ennemis naturels, les hommes, n’ont pas, tout en les affichant, tandis que les femmes les possèdent en ne les montrant pas. Nous voilà désormais inséparables. Voyons : vous amusez-vous ici ?

— Cela dépend de ce que vous appeler : s’amuser, madame.

— Dites : Nirvâne... je ne veux plus vous entendre m’appeler autrement. Trouvez-vous ce milieu intéressant ?

— Fort peu... Nirvâne.

— Eh bien, je vous emmène avec moi.

— Où ça ?

— En Bretagne.... J’y possède une île. La, pas de voisins, pas de satyres..., l’immensité pour nous seules !.., des grottes naturelles, dont nous serons les nymphes... car on s’y met à l’aise... et le doux murmure des flots pour accompagner nos tendres propos !... Est-ce dit ? Acceptez-vous, ma jolie ?

— Mais comment donc, Nirvâne !

Elle voulut m’embrasser pour sceller notre pacte, mais la cloche sonnait le premier coup du dîner, et j’en profitai pour me dérober au nirvana qu’elle m’offrait.

J’oubliais ces ridicules et ces laideurs auprès de Rolande. Depuis cinq jours qu’elle feignait la pneumonie et que je m’étais constitué sa garde-