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Nous rentrâmes dans le vaste salon peuplé de meubles, de tableaux et de bibelots de choix qui, tout au moins, faisaient honneur à l’éclectisme de M. Variland. Mais l’endroit nous pesa. Il était écrasant, solennel. Disposé par le propriétaire, il gardait comme un reflet de sa correcte froideur, de ses prétentions à en imposer plus qu’à séduire, à charmer. Nous le désertâmes vite pour le petit salon de Rolande. Tendu de toile de Jouy ancienne représentant des amours en leurs jeux, avec des trumeaux Louis XVI et un triptyque peint par Watteau, il offrait encore un divan profond, habillé de karamanie, bourré de coussins en soie fanée, où se pouvait apaiser la volupté des rêves. Nous nous y étendîmes et restâmes longuement sans parler. Après quoi elle m’enivra de quelques strophes de notre demi-dieu :

Il pleut des pétales de fleurs.
La flamme se courbe au vent tiède ;
De mes yeux je te possède,
Et mes yeux ont besoin de pleurs...

Ah ! cette musique !... cette musique par sa voix !... Elle me tira des larmes !

— Que vois-je, ma pauvre chérie !... Tu as donc du bobo en ton petit cœur ?... Serait-ce l’absence de Robert ?... Non, n’est-ce pas ?... Je ne discute pas ton amour, mais je ne pense pas...

— Ce n’est pas lui.

— Alors, qui ?... raconte !... tu ne veux pas me le dire ?... tu as donc un secret pour ta Rolande ?

— Georges... m’en tirai-je, énigmatiquement.

— Oui, Georges... accepta-t-elle, confuse.

Et elle ajouta :

— Georges, je me reproche quelquefois de l’oublier pour Georgette... Mais ce n’est pas un grand péché, dis ?... car Georges et Georgette, je les mets sous la même couronne... une couronne faite des diamants de mon cœur...