Page:Les Œuvres libres, numéro 7, 1922.djvu/256

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce désir, que j’eusse contenté de grand cœur. Pourquoi ce petit mensonge ?... Mystère. Mais je n’en étais plus à compter avec ses inexactitudes. D’ordinaire, je me les expliquais, cette fois pas. Sans souci de mon étonnement, elle y alla de son régal. Les fruits craquaient dans sa bouche gourmande, et elle en éprouvait comme une petite folie. Cueillant à ses lèvres les noyaux humides, de ses doigts disposés en pince elle les faisait gicler sur moi, et je ripostais de même façon. Quand un de ses projectiles, atteignant ma gorge, s'ensevelissait dans mon corsage, sa joie était au comble. Elle riait alors éperdûment, elle riait dans le soleil ; et je voyais se déployer l’arcade pure de ses dents, dont mon baiser se grisait jadis.

— Tu as l’air toute drôle ?...

— Mais non, je t’assure.

Mais, plus particulièrement, les grands bois nous attiraient. Il y avait, de place en place, de ces bancs de pierre concentriques à une table. Nous les négligions pour aller nous étendre sur la mousse et mieux nous recueillir sous les voûtes puissantes. Nous buvions la fraîche haleine des feuillages, nous écoutions les mille bruits confus qui sont l'harmonie des forêts. Nos corps rapprochés échangeaient leurs fluides. Elle faisait de mon sein son oreiller, car c’était toujours moi qui gardais la prédominance, moi qui la servais le plus, par les mille attentions protectrices que d’ordinaire l’homme réserve à la femme.

— Tu aimes m’avoir avec toi ?... lui demandai-je un jour qu’elle m’enlaçait plus tendrement.

— Je n’aime pas... aimer n’en dit pas assez... je suis dans un éternel besoin de ta présence... tu me deviens nécessaire comme l’air, le pain...

— Pourquoi, Rolande ?

— Parce que tu m’apaises.., tu m’enveloppes... tu m’endors... Quand tu es là, c’est comme si c’était lui... mon cœur, pour me servir d’un terme