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Provence de la prochaine récolte », nous assurait une complète tranquillité à Rolande et à moi.

Libérés de ces importuns, le séjour au château nous devint délicieux. C’était juillet, toute la végétation s’élargissait dans la joie. Levés de bonne heure, mis d’une jupe courte et bottés pour la marche, après une collation de lait et d’œufs frais, nous partions à l’aventure dans l’immense domaine. Nous nous écartions de l’office, des communs, des garages, là où vivaient des serviteurs obséquieux oui nous rappelaient la civilisation. Nous allions de préférence auprès des êtres frustes et sains : à la ferme, dont les habitants avaient, nous semblait-il, une mentalité rudimentaire, peu distincte de celle des animaux confiés à leurs soins et, partant incapable d’interpréter ma présence ; au potager, où les jardiniers remarquaient à peine notre passage et ne relevaient l’échine que lorsque nous les interrogions. Le grand œuvre de la nature nous passionnait, qu’il nous fût offert par la création des bêtes ou par la sortie des plantes hors de l’humus.

Dès le premier matin, Rolande s’arrêta, les yeux brillants d’envie, devant un cerisier ployant sous le faix rouge. Je compris.

— J’y vais !

— Non, moi, moi !

— Toutes les deux, alors.

Je lui fis la courte échelle. Une fois assise sur une branche, elle m’aida à son tour à grimper. Nous nous installâmes face à face. Au banquet de la nature, il n’y a qu’à étendre la main...

— On se croirait dans un cabinet particulier aérien... s’esclaffa-t-elle,

— Tu y es donc déjà allée, Rolande ?

— Hélas, non !... j’aurais tant voulu, avec Georges... mais chaque fois que je l’en ai prié, il m’a refusé.

C’était faux ! jamais elle ne m’avait exprimé