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pour un seul !... tout cela que Rolande, quelques mois auparavant, s’apprêtait à laisser pour venir partager ma vie incertaine, ma vie d’artiste à peine sorti des basses besognes, du joug des mercantis, à la merci d’un accident. Je compris son émotion, sa déception de rentrer dans des lieux qu’elle comptait ne plus jamais revoir. Elle souriait quand même au personnel assemblé devant le perron pour, recevoir les maîtres ; elle tendait la main au chef jardinier, au garde-chasse ; elle embrassait les joues fleuries des enfants de la ferme. Ah ! elle n’était pas fière, devaient penser d’elle ces humbles gens ; mais la même opinion n’accueillait certainement pas l’autorité rigide, guindée, les ordres brefs de son mari, redevenu, après la fantaisie du voyage, le requin en face de sa proie.

Sa proie, ce château, que lui valait un coup de bourse, conçu en une nuit, exécuté en quelques jours, au moment de la menace d’Agadir. J’attribuais à Rolande seule le pouvoir de me retenir en ce faste. J’eusse, du reste, en cet instant, écrasé pour elle l’humanité entière. Car elle venait de se précipiter vers un parterre, d’y cueillir une rose-thé et de m’en faire l’hommage.

C’était la fleur, qu’homme, je préférais, et que, femme, j’allais adorer encore.


VIII


M. Variland avait dû retourner presque aussitôt à Paris pour d’importants conseils financiers. Il n’en reviendrait pas de huit jours. Robert, pour qui mes soucis jaloux s’atténuaient avec son absence, ne reparaîtrait pas non plus de quelque temps. Une carte postale avec ces simples mots d’amour : « embardée sur Marseille, achat en