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son visage austère, nous fit éclater de rire tous trois et emporta mon acceptation. Nous en pouffions encore quand Robert se présenta. Il fleurait la basse alcôve ; je crois même me souvenir qu’il était légèrement pris de vin, qu’il garda son chapeau sur la tête et cravacha l’air de sa canne en parlant.

— Alors ? ça colle, notre combine ?... fit-il à M. Variland.

Et comme celui-ci affirmait, dédaigneusement :

— Elle a raison, la choute. Ça lui fera du bien.

Jamais il ne m’avait autant dégoûté ; et jamais je ne m’étais trouvé aussi près d’affliger Rolande, en revenant sur ma décision, pour rester au voisinage de ce goujat. Expliquez cela...

Nous partîmes huit jours plus tard. J’avais, en femme ordonnée, préparé moi-même mes malles, rangé mes armoires, dressé contre les mites des montagnes de naphtaline, à la stupéfaction d’Anna, qui n’avait jamais vu une maîtresse mettre la main à la pâte. J’avais la conscience nette d’une femme d’intérieur, quand la quarante-chevaux des Variland me vint quérir. En quittant cette rue du Général-Foy, où tant de fois s’étaient abritées ses amours maintenant compromises, Rolande ne put contenir son émoi. Je la vis essuyer discrètement une larme.

Quand nous fûmes dans la campagne, M. Variland, qui avait jusqu’alors péroré, citant les demeures importantes que nous dépassions, leur style, leurs possesseurs, tout un Gotha de la villégiature, M. Variland s’endormit.

Alors, je pus prendre les mains de Rolande :

— Chérie, je t'ai vue triste.

— Il reviendra !... Tu me le jures ? fit-elle, en interrogeant droit mes yeux.

Ah ! la souveraine charité du mensonge... Calmer, endormir ce cœur aux abois ; ce cœur, qui était mien, en dépit de ses inconséquences, de ses