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rarement invité pour acquérir des soupçons en observant les façons de son rival. Des affaires — sérieuses, cette fois — l’avaient encore éloigné de Paris ; et j’avais béni son absence, car son manque de tact, et cette jalousie qu’il éprouvait pour moi sans m’aimer, l’eussent sans doute conduit à un esclandre, regrettable, puisqu’il eût contrarié mes faciles rapports avec Rolande. Que ferais-je, me disais-je souvent, si ce maître, que je dois suivre, m’interdit désormais la compagnie des Variland ? J’en serai donc réduit à des rendez-vous secrets avec Rolande ? et fini ce grand jour, si commode à notre mutuelle tendresse ? Fini, le doux esclavage du matin, quand elle est à sa toilette ? Finis, les bavardages sur l’absent ?...

Quant à Rolande, elle attribuait les enjolivements de son mari à quelque passionnette extérieure à sa maison et s’en réjouissait, du reste, en songeant à la libération qu’elle espérait toujours. De mon côté, je me fusse bien gardé de lui apprendre que j’en étais la cause. J’avais crainte d’en rester profané à ses yeux, si jamais mon extraordinaire destin se retournait à nouveau et refaisait de moi un homme. Je voulais que cet homme se représentât sans passé, sans taches.

L’agrément et la simplification de mes rapports avec Rolande n’allaient donc pas sans réserves, et il se préparait peut-être, à tous égards, des embûches que j’étais résolu à surveiller.

M. Variland me baisa galamment la main et le trio prit place. Dès les hors-d’œuvre, il déclara :

— Je viens de voir ce charmant Robert de Lieuplane. .. il m’a fait prendre, entre parenthèses, une demi-douzaine de barriques d’un vin dont je n’avais besoin que pour vous, mademoiselle, parce que vous l’appréciez... oui, il s’agit de son fameux Lur-Saluce, vous savez ?... et nous avons décidé, d’un commun accord, une chose.