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de tirer Robert par son smoking pour qu’il cessât cette sotte querelle. Il m’obéit, du reste, docilement. Une fois dehors :

— Hein ? Je lui en ai bouché un coin ! souligna-t-il fièrement.

— Vous auriez mieux fait, mon ami, de vous boucher vous-même. Ce n’est pas ainsi qu’on se comporte en ces circonstances. On méprise et on se tait. Dans quelle étable êtes-vous donc né ? Vous ne m’avez jamais parlé de votre famille, de votre éducation : c’est le moment peut-être d’en faire l’aveu.

Il baissa la tête, réfléchit, puis se déroba :

— Ne m’interrogez pas... je ne sais plus.

Aussi bien, il me devint égal d’être renseigné. Toujours la chaîne mystérieuse... J’étais voué à ce fiancé, comme on subit la force des vagues, la pression atmosphérique : sans défense, sans réaction possibles. Et lui, à mesure que je le pénétrais, m’apparaissait accepter également un joug qu’il ne fallait pas interpréter. Ce qui conciliait le mieux, pour l’instant, ma raison avec mon indifférence, c’est que Tornada avait mis à mes trousses un médiocre garçon, embarrassé dans ses affaires, pour parachever son expérience physiologique. Il allait voir ce que donnerait la création d’un être transsexué avec un collaborateur indéniablement sain.

Mais, Robert, la question d’argent le préoccupait avant tout. Il la traita plus audacieusement le soir même, en me déposant chez moi.

M’arrêtant avant que j’entrasse :

— Voyons, ma petite Georgette, il faudra bientôt nous décider. On ne peut pas rester des promis toute la vie. Nous sommes en mai : si qu’on se mariait en juillet ?

— Il fait bien chaud, en juillet, réfléchis-je. Pour notre voyage, ne vaudrait-il pas mieux septembre ?