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ASIE

subir le supplice auquel tu es condamné. Tu ne comprends donc rien ? Tu ne peux pas y échapper. C’est impossible.

Je le regardai méchamment. Alors il leva un doigt en l’air :

— Allah sait que j’aurais voulu t’épargner ces souffrances qui t’attendent. Mais tu l’auras voulu…

Une inquiétude sourdait en moi. On m’avait fait boire ou prendre de l’opium sans doute, et, dans un instant, sans défense, je serais livré aux gardes de l’émir…

— Habille-toi, dit-il enfin, et viens sans rien dire. Ça vaut toujours mieux.

— Non ! dis-je fermement. Tant que j’aurai un peu de vigueur je me défendrai. Je reste ici.

Il murmura :

— En ce cas le pal sera pour ce soir, car si tu n’es pas avec ta femme Bahadour dans une demi-heure, le mariage ne sera pas accompli et…

Je le regardai avec stupeur.

— Oui ! tu es choisi par la troisième de cette nuit. Et je te le dis depuis un quart d’heure ; ce n’est pas le moindre des supplices que d’appartenir à une louve de ce genre. Elle fera de toi un débris plus pitoyable que n’aurait fait le pal…

 
 

— C’est fini ?

— Ce l’est.

— Je vois avec plaisir que les prédictions de ton « greffier » ne se sont pas réalisées.

— Non. J’ai tenu ! Mais c’était une femme redoutable. Il fallait un athlète pour la vaincre dans les olympiques du lit.

— Tu l’as eue longtemps ?

— Seize mois je restai dans ce monde perdu et pus obtenir de l’émir qu’il renonçât à ses courses contre les missions. Moyennant quoi il ne fut pas inquiété plus tard.